dimanche 16 avril 2017

Dans les murs : les rats, de la grande peste à Ratatouille / Zineb Dryef

Le pitch

« J’ai entendu un bruit. Oh, presque rien, un craquement furtif. J’ai cessé alors de taper sur mon clavier. Cette fois, ce n’était plus comme un froissement, non, quelque chose grattait, mais je ne parvenais pas à en situer l’origine. Cela semblait proche et pourtant je ne voyais rien sur le parquet nu du salon. Peut-être était-ce dans les poutres. Le bruit a repris, celui d’un animal qui gratte, d’un animal qui creuse. Une pause. Et ça a recommencé. Là, ce n’était plus un grattement mais le mouvement d’une bête qui détale. Des rats ! »

Des mois durant, Zineb Dryef a dû affronter sa « musophobie », une peur répandue chez nombre d’entre nous, et s’est mise en quête de ces rats tapis dans les murs de son appartement.
Son livre, à la manière d’une investigation littéraire, nous mène des clameurs des ratodromes (où des chiens et parfois même des hommes combattaient à mort les rongeurs) aux coulisses de l’institut Pasteur, mais aussi sur les traces des chasseurs de rats, sous les pavés de la capitale et dans des dîners ultrachic où l’on déguste de la viande de rat. Un récit passionnant sur ces bêtes débarquées en Europe dans les années 1700 et qui, de la Grande Peste à Ratatouille, n’en finissent pas de construire leur légende. passionnante, qui se lit comme un roman, sur ces minuscules bêtes débarquées en Europe dans les années 1700, et qui prospèrent depuis dans les quelque 2 400 kilomètres d’égouts que compte notre capitale. (résumé éditeur, http://www.donquichotte-editions.com/donquichotte-editions/Argu.php?ID=115)


Avis

Une enquête passionnante qui nous entraîne sur la piste des rats. Mêlant bribes de journal et enquête, Zineb Dryef dévoile avec maestria tous les secrets de ces muridés décriés, bien souvent à tort. Le style est limpide et le livre se dévore comme un passionnant roman. 
A découvrir absolument !

Infos

Titre : Dans les murs : les rats, de la grande peste à Ratatouille
Auteur : Zineb Dryef
Éditeur : Don Quichotte 
Parution : octobre 2015
Prix : 18,90€
ISBN : 978-2-35949-422-8

vendredi 1 avril 2016

Mécomptes de fées / Terry Pratchett

Le pitch

Il était une fois, au cœur d'un monde tout plat juché sur quatre éléphants posés sur une gigantesque tortue cosmique, une belle et agréable cité nommée Genua. L'air y est sain, les palais resplendissants, et les souillons aspirantes princesses rêvant de bal et de beaux princes. La jeune Illon n'a d'autre destin que d'épouser le souverain en titre : ainsi en a décidé le conte, mené d'une main de fer dans un gant de métal par la bonne et douce marraine fée, Lili Ciredutemps.

Mais chaque beau conte a son lot de vilaines sorcières. 
Et ce coup-ci, Mémé Ciredutemps, Nounou Ogg et Magrat Goussedail se coltinent le rôle de composition. Avec force ratés de balais, rhum-bananes sans modération, problèmes de zombies et excès de citrouilles. Oh ! Et chat vêtu de pourpoint de cuir noir, bien sûr...










Avis

Drôlissime opus du Disque-Monde faisant la part belles aux fameuses 3 sorcières Pratchettiennes, Mécomptes de fées (Witches abroad, en anglais) enchaîne les aventures cocasses et les péripéties métatextuelles. Il est bien difficile de combattre le conte lorsque celui-ci a mis en route sa mécanique infernale ! Il faudra toutes les qualités improbables et les traits de caractère hilarants de Magrat, Nounou Ogg et Mémé Ciredutemps pour enrayer la machine. Car on a beau faire, les pantoufles de verre (et non pas vair, ici) tombent et sont récupérées par des princes, les douze coups de minuit sonnent et les citrouilles pleuvent.... De nombreux contes ou histoires traditionnels sont ici relus, étrillés, cuisinés à la sauce Disque-Monde ; et la recette est délicieuse.

Toutes ces références ludiques au fonctionnement des contes ne sauraient faire oublier la mise en place d'une situation chère à l'imaginaire et l'humour de Pratchett : le tourisme. À l'instar du truculent Deux-Fleurs, nos trois sorcières se lancent dans une aventure à l'étranger (abroad, donc), et leurs certitudes en termes de langues et mœurs exotiques amènent à des situations savoureuses et des dialogues délirants. Les cartes postales de Nounou Ogg décrivant les coutumes locales et les aventures vécues valent leur pesant d'or, et la partie de poker menteur de Mémé Ciredutemps pourrait emporter tous les suffrages, n'était la gaucherie cucurbitacéenne de Magrat et les fameux gombos-cassandre de Madame Gogol.   

Mention spéciale à Gredin, aussi irrésistible en chat miteux qu'en pirate-mousquetaire humain vêtu de braies de cuir noir, et filant de sensuels frissons à toute créature croisant son chemin. Pratchett nous régale encore ici de son adoration pour les matous finauds, et distille quelques petites réflexions chevalino-sceptiques qui feraient sursauter plus d'un amoureux de canassons (moi, bon, pas trop, c'est quand même un peu trop grand et musculeux pour ne pas flanquer les chocottes, un cheval, en somme).

En conclusion évidemment, encore une délicieuse incursion dans le Disque-Monde, qui donne envie de relire Cendrillon & cie, et de siroter une petite pina colada des familles. À la santé de notre maître à tous, Sir Terry Pratchett ! 

Infos

Mécomptes de fées / Terry Pratchett
L'Atalante (Dentelle du Cygne), 1998 (réédition en 2015)
ISBN 2841720942 

lundi 8 février 2016

Les variations d'Orsay / Manuele Fior

Le pitch

Henri, Claude, Auguste, Edmond, Paul... Les grands peintres d'Orsay sont autant de fantômes que les visiteurs exaltent. La gardienne, péniblement installée sous La charmeuse de serpents du Douanier Rousseau, "toile qui annonce les rêves surréalistes à venir" ("tu parles, que des conneries !" grogne la butée fonctionnaire) voit les choses différemment. Tous ces artistes sont à elle ; ils la connaissent, ils l'aiment, elle les domine. Et accompagné par cette étrange figure hypnotique, le lecteur est emporté dans les dédales du musée, au cœur d'un "rêve étrange et pénétrant", qui prendra fin à "six heures moins le quart", tiens, heure de fermeture, videz les salles et tapez les codes. Plus rien à voir.
Mais en attendant...



Avis

Les éditions Futuropolis/Musée d'Orsay permettent à un auteur béni d'accéder à tous les lieux, tous les secrets du musée d'Orsay afin d'en livrer sa vision en un album. Catherine Meurisse avait imaginé une savoureuse Olympia intermittente, bercée de rêves de gloire et cherchant son Roméo (Moderne Olympia, 2014). Le casting de rêve se poursuit avec le deuxième auteur invité par Futuropolis/Musée d'Orsay : Manuele Fior. Ce dernier nous avait notamment fait rêver avec sa magnifique Entrevue (2013). Qu'en est-il de ses Variations ?

Et bien, Les Variations d'Orsay constituent une plongée envoûtante et magique dans un univers intense, monde de lumières, de teintes poudrées et cendrées, de bruns profonds, où les boa et ibis du douanier Rousseau s'éveillent et entament leur lente marche, sur les rythmes fascinants de la charmeuse qui tient le récit dans sa large poigne. Son charme opère à coup sûr, et l'on rencontre les grandes figures attendues - Degas, Ingres, Monet, et les autres - entre songe et éveil. "C'est vachement bien ce que vous faites !" lance une intrigante en rouge à Berthe Morisot, "c'est trop cool, Madame !". Les anachronismes fleurissent entre ces lèvres rieuses, sur ces visages d'il y a cent ans. Époques et styles s'emmêlent, et, dans une nuit froide et magique, les images se réveillent, et les chouettes survolent les chaufferies du musée... Les pieds nus de la charmeuse battent les carrelages aux sous-sols, mains flattant le pelage lustré des panthères, ou effleurant les toiles endormies, les trésors fragiles enveloppés de ténèbres et de soie.

Manuele Fior nous livre un Orsay magique, magnétique, peuplé de ses fantômes et de ses chamans ; un univers qui a digéré des générations d'iconoclastes devenus dignes de ses cimaises, et dont il porte la mémoire. Lignes, couleurs, interprétations se chevauchent au rythme de l'incantation gravée par Gauguin sur le fronton de sa demeure tahitienne :
"Soyez mystérieuses
Soyez amoureuses
Et vous serez heureuses".

L'auteur révèle un peu des mystères de son Orsay, et il faut le remercier pour la traversée incroyable, savamment orchestrée, qu'il propose. L'équilibre de l'oeuvre, son étrangeté et sa joie, sont parfaits.

Et bien sûr, ajoutons que le trait et les compositions de  Manuele Fior sont toujours somptueux. Voici les dessin de couverture en son entier (source : http://www.futuropolis.fr/les-variations-dorsay-de-manuele-fior).


                                                         Manuele Fior ©Futuropolis/ Musée d’Orsay Éditions 2015
     
Infos

Les variations d'Orsay / Manuele Fior
Éditions : Futuropolis / Musée d'Orsay
2015
9-978-2-7548-1409-6
16€
66 pages

mardi 22 décembre 2015

L'étrange vie de Nobody Owens / Neil Gaiman

Le pitch

"Un bébé échappe par miracle à un mystérieux assassin qui vient de tuer sa famille. Le nouveau-né trouve refuge dans le cimetière voisin. Il est adopté par un couple de fantômes M. et Mme Owens. Devenu ami de Lise, une ex-sorcière excentrique autrefois brûlée vive, et protégé par un vampire mystérieux et fascinant – Silas –, le jeune Nobody Owens grandit heureux, entouré d’amour par une bien drôle de famille. Mais vivre parmi les morts peut se révéler aussi dangereux que d’affronter le monde des vivants. Car le meurtrier des parents de Nobody le traque toujours, plus que jamais décidé à accomplir sa mission : tuer Nobody…" (résumé éditeur)




Avis

Bien sûr, les amateurs de Neil Gaiman (et les autres) m'objecterons qu'il est franchement inutile de faire une chronique de plus sur un livre dont on connait déjà, ne serait-ce que par ouï-dire, l'incontestable qualité.

Cependant, chroniquer les livres "must-have", ceux qui marquent pour toujours et restent sans pâlir en bonne place de sa bibliothèque, catégorie "celui-là-il-est-tellement-bien-quand-même-je-me-le-relirai-bien-une-petite-douzième-fois-mais-quand-même-le-début-fait-vachement-peur", est vraiment agréable. Dont acte.

N'y allons pas par quatre chemins : L'étrange vie de Nobody Owens est un livre incroyable, inclassable, un récit unique qui frappe l'imagination et, tout à la fois, éveille les sens et glace les sangs.

L'étrange vie de Nobody Owens est (aussi) un récit qui fait peur. L'incipit est proprement horrifique, et quiconque en a parcouru les lignes aura fatalement souffert de cauchemars dans lequel il se voyait poursuivi par l'effroyable, glacial et sadique tueur imaginé par Gaiman ; j'ai nommé : Le Jack.

"Il y avait une main dans les ténèbres, et cette main tenait un couteau".

Après cette entrée en matière champêtre et réjouissante, le lecteur suit les aventures de Nobody, bambin rescapé d'un contrat de mort lancé sur sa tête, qui trouve une nouvelle vie aux côtés des habitants d'un cimetière. Tout bonnement. 

Adopté par les fantômes de M. et Mme Owens (qui baptisent donc le marmot), Nobody (pour personne, ou no-body, sans corps, tel le spectre) est souvent comparé à Mowgly ; le récit de Gaiman serait donc une sorte de Livre de la jungle à la sauce pierre tombale. Quoi qu'il en soit, cette trame narrative particulièrement incongrue est, comme de coutume, parfaitement maîtrisée par Gaiman. L'histoire est terrible, incroyable et poignante, et les personnages, fantômes y compris, sont absolument hauts en couleurs (oserais-je dire que c'est un comble pour des poltergeist ?).

Bref, point besoin de longues palabres : vous DEVEZ lire L'étrange vie de Nobody Owens. Pour vos jeunes lecteurs, à partir de 13 ans environ (mais en lecture à voix haute, cela fonctionne parfaitement avec des lecteurs plus âgés).

J'oubliais presque : les magnifiques illustrations noir-blanc-gris de Dave McKean servent parfaitement l'histoire - illustrer les folies, les terreurs et les enchantements de Gaiman est pourtant un défi particulièrement redoutable. 




Certainement, donc, le meilleur récit de Gaiman (j'entend déjà les fans de Coraline s'étrangler et les inconditionnels de Sandman crier au meurtre).

À noter : une adaptation en comics est sortie récemment. C'est Neil Gaiman qui scénarise, mais le dessin n'est pas de McKean. Je n'ai pas eu le courage de tester cette adaptation (le texte original étant si parfait). De fait, je ne peux rien vous dire sur le sujet. Voici quand même la couverture, que dans mon infime bonté je consens à vous livrer ci-après.




Infos

Titre : L'étrange vie de Nobody Owens (The graveyard book)
Auteur : Neil Gaiman
Illustrateur : Dave McKean
Traductrice : Valérie Le Plouhinec
Éditeur : Albin Michel (Collection Wiz)
Publication française : 2009
Pages : 310
ISBN : 978-2-226-18954-7
Distinction : Newbery Medal 2009

mardi 23 juin 2015

American Gothic / Xavier Mauméjean



En 1953, les studios Warner veulent contrer le succès du Magicien d’Oz de leur rival, la MGM, en proposant leur propre adaptation d’un récit merveilleux. Quel meilleur choix que Mother Goose, compilés et réécrits par l’illustre Daryl Leyland ? Jack Sawyer est embauché pour enquêter sur Leyland et retracer sa biographie, car, comme l’exige la maxime du conteur lui-même : « pour comprendre vraiment quelqu’un, il faut se demander quel était son monstre, le croque-mitaine qui le tourmentait dans ses tendres années ». Témoignages d’anciens amis de l’auteur, rapports de Sawyer à la Warner, notes de toutes sortes s’assemblent en un génial patchwork qui compose, pièce après pièce, la mystérieuse destinée de Leyland. Entre manipulation et faux-semblants, Xavier Mauméjean se fait lui-même compilateur d’un bien sombre récit. Une réussite.

Thomas le rimeur / Ellen Kushner




Thomas, ménestrel surnommé Le Rimeur, voyage de ville en ville, de château en château, en quête de nobles à divertir et de jeunes filles à séduire. Nulle créature ne semble pouvoir résister à ses strophes envoûtantes, pas même la Reine des Elfes, qui consent à l’embrasser… Divin baiser qui lie Thomas à l’enchanteresse, corps et âme, pour sept années. Le voilà donc, le fier Rimeur, pris dans les rets d’une puissante maîtresse, « le voilà obligé de supporter toutes sortes de mystères et d’épreuves, jusqu’à ce qu’il ait obéi » aux changeantes lubies et cruels désirs de sa tourmenteuse. Ellen Kushner déploie, d’une somptueuse voix de conteuse, un récit enivrant, empreint d’une féroce beauté. World fantasy award 1991.

La huitième fille / Terry Pratchett



Dans l’univers du Disque-Monde, il est d’usage qu’un mage mourant transmette ses pouvoirs, son bâton, voire son fonds de commerce, au huitième fils d’un huitième fils. Il en sera de même pour Tambour Billette, mage usagé qui va s’échouer dans la ferme des Lefèvre, où un huitième enfant est attendu. La transmission est faite, et Billette meurt… En ignorant que son successeur est, en réalité, une fille ! La petite Eskarina, sous le patronage bourru de la sorcière Mémé Ciredutemps, part à la conquête de ses pouvoirs jusqu’aux portes de l’université de l’Invisible, dans laquelle elle espère, et qu’importent les traditions, être formée à son emploi de mage. Burlesque, hilarant et irrévérencieux, Terry Pratchett n’a de cesse, dans son impressionnante saga du Disque-Monde, de tordre le cou aux codes littéraires de la fantasy pour offrir des récits hauts en couleurs et délicieusement acidulés.

Zita, la fille de l'espace / Ben Hatke





Brunette pêchue et volontaire, Zita adore parcourir les bois en compagnie du blond et tendre Joseph. Lorsque les deux amis découvrent un étrange objet abandonné au sol, Joseph bien sûr, rechaussant ses lunettes, sermonne la curieuse Zita : toucher ce que l’on ne connaît pas, c’est défendu, c’est dangereux ! Mais Zita la curieuse prend le curieux bidule, le secoue, le triture… Et un éclair atroce vient aspirer Joseph, le propulsant dans une inquiétante galaxie peuplée de robots, rats géants et autres joueurs de flûte… Zita se met aussitôt en quête de son ami, embrassant sans complexe le statut de mini-héroïne de science-fantasy. À la fois tendre, drôle, sombre, angoissant et ténu, fourmillant de trouvailles et de personnages incroyables, Zita est une série jeunesse qui ne prend pas ses lecteurs pour des ânes, ne leur dissimulant ni le tragique, ni le merveilleux du récit – c’est là sa force et sa lumière.

vendredi 5 décembre 2014

La grande aventure Lego / Phil Lord, Chris Miller




« Brossez-vous les dents, dites bonjour à vos voisins, supportez l’équipe sportive locale, écoutez de la musique pop, n’oubliez pas de sourire ! » 

Planté dans sa dystopie quotidienne, Emmet, ouvrier lambda et bécasson notoire, n’aime rien tant que suivre les instructions du président Business (président de la société Octan, et du monde). Le hasard le propulse aux commandes d’une croisade antisystème, en compagnie de personnages plus survoltés les uns que les autres – mention spéciale à UniKitty, créature hybride mi-licorne mi-chaton, papesse kawaïï et chauvine résidente du Pays des nuages perchés. 

Fi de scénarii, avancent les fâcheux ; ce film n’est rien d’autre qu’une gigantesque publicité Lego : honnissons-le ! Votre scribe étant malheureusement, public ami, vendu à la vilaine et vicelarde grande putain capitaliste, il approuve nécessairement (et en bloc) cette indécente réclame géante. 

Pour sa défense, peut-on objecter qu’entre les niaiseries chantées de duchesses enneigées (garanties 100% sans pub ni second degré) et un produit dérivé revigorant, explosif, intelligent et terriblement drolatique, le choix est tout trouvé ?

mercredi 8 mai 2013

L'entrevue / Manuele Fior


Le pitch


Dans l'Italie de 2048, Raniero s'enlise. Nostalgique, il s'attache à des objets et coutumes surannés : sa voiture est une parfaite antiquité, et sa relation avec Nadia, sa femme - qui d'ailleurs prévoit de le quitter bientôt - procède clairement des habitudes d'un autre âge. Le monde moderne est en effet enthousiasmé par la Nouvelle Convention, précepte de libération sentimentale et sexuelle qui abolit jalousie, possession, exclusivité amoureuse... Raniero peine dans son existence morose, jusqu'à ce qu'un accident, LA rencontre et l'apparition d'étranges lueurs viennent piqueter d'étoiles son ciel jusqu'alors bien morne. 






Avis

Récit d'anticipation ni ultra technique, ni brutalement politique, L'entrevue relève l'insensé pari d'une science-fiction parfaitement inattendue - le sentiment, l'humain, est le cœur, sensible et vivant, de ce récit d'exception. Le décor, à la fois futuriste et baigné des paysages et us & coutumes d'une Italie millénaire, construit une vraie vision - fantaisiste mais crédible - de ce que pourrait être, un jour, ce pays frondeur et parfumé.

Récit d'anticipation, certes... Mais surtout, récit d'une rencontre improbable et éclatante, histoire enivrante de deux êtres captifs.

Raniero ne pourra lutter longtemps contre la lumière de Dora. Il tente de contenir l'évidence de sa fascination, sa révélation, son désir ; il tente, bien sûr.

"Vous êtes très jeune", objecte l'homme, engoncé de craintes inutiles. 
"Non. C'est le monde qui est vieux. Et faux, stupide, et insensé, petit, borné, pauvre, malheureux, fatigué. Fini."

Puis, lorsque Dora discrètement se relève et enfile sa robe tissée de constellations, c'est l'univers entier qui l'enveloppe et remue au gré de ses pérégrinations. Amoureuse exceptionnelle, Dora devient, pour Raniero, pour le lecteur, le monde. Elle est l'univers. Absolue.
Magnifique.

L'Entrevue, récit d'une épiphanie, est tout aussi magnifique. L’excellence plastique de Manuele Fior, ses compositions hypnotiques, ses dialogues délicatement ciselés servent dans cet album splendide une émotion totale, lumineuse, et juste. 

Infos

Titre : L'entrevue
Auteur : Manuele Fior
Éditeur : Futuropolis
Parution : 05/04/2013
Pages : 173
Prix : 24 €
ISBN : 978-2-7548-0583-4

lundi 11 mars 2013

Sailor Twain ou la sirène dans l'Hudson / Mark Siegel

Le pitch


Fin XIXème siècle. Elijah Twain, commandant du Lorelei, fringant navire à vapeur, économise patiemment pour payer les soins nécessaires à Pearl, sa femme handicapée. Pointilleux, ponctuel, Twain mène son navire avec un soin jaloux, suivant le personnel et les machineries, observant les allées et venues des passagers. Un capitaine irréprochable... Jusqu'à ce qu'un soir, au couvert de la nuit, Twain recueille sur son pont ce qu'il croit être une jeune femme rescapée de la noyade. La créature rejetée par le fleuve Hudson se révélera autrement plus dangereuse, pour Twain comme tous ceux qui voyagent à son bord...




Avis

Sailor Twain est une bande dessinée-fleuve plastiquement très intéressante. Le découpage et les choix de mises en espace très théâtraux, couplés à l'expressivité d'un trait dense, intense, charbonneux, composent un univers ample, mouvementé - presque baroque.

L'ambiance "machine à vapeur" et l'aura fantastique de l'histoire valent en outre à Sailor Twain ou la sirène de l'Hudson d'être aimé et chroniqué des milieux steampunk. Si l'on s'en tient au strict terme littéraire, l'assimilation est un peu expresse, cette bande dessinée n'ayant aucun aspect prospectif ou uchronique. Le patronage reste cependant signifiant, mais découlerait (de l'humble avis du chroniqueur) davantage de l'esthétique générale du récit  - une certaine forme d'élégante noirceur et de nostalgie diffuse se dégagent en effet d'une narration tout en souplesse, s'écoulant en une patiente mélopée charriant amours et tragédies aux creux de ses vagues, entre eaux calmes et remous - narration en un sens fidèle à l'image  du fleuve qu'elle célèbre !

Sailor Twain séduit également par ses personnages et leurs déboires : Twain, dont le septicisme et la froide raison se verront confrontées aux forces profondes du fantastique ; Lafayette, l'intrigant et libertin passager français frayant galamment les coursives de la Lorelei en quête des mystérieux (et libidineux !) "sept amours" ; et la sublime Camomille, dont les yeux captivent autant (sinon davantage !) que le chant de la créature qu'elle pourchasse de sa plume...

Amis lecteurs, un bien agréable voyage vous attend sur la Lorelei... Prenez cependant garde aux sirènes et leurs chants trompeurs !

Infos

Titre : Sailor Twain ou la sirène dans l'Hudson
Auteur : Mark Siegel
Éditeur : Gallimard
Parution : 17/01/2013
Pages : 400
Prix : 23 €
ISBN : 9782070696178

samedi 2 mars 2013

Varulf T1 : La meute / Gwen de Bonneval, Hugo Piette

Le pitch

"Au Moyen-Âge, un village scandinave traverse une période sombre. Le mauvais temps détruit les récoltes et, la nuit, des animaux sauvages viennent massacrer les villageois, semant la terreur et l'incompréhension au sein de la population. Alors que les attaquent se multiplient, Gisli et les autres enfants du village se questionnent sur l'origine de cette folie meurtrière..." (résumé éditeur)





Avis

À vous qui aimez flâner sur les blogs de lecteurs chroniqueurs en quête de spoilers trahissant les secrets de séries en cours, passez votre chemin ! Impossible en effet de trop en dire au sujet de Varulf sans courir le risque de dévoiler ses inquiétantes arcanes... 

Aussi, pour connaître la vérité (glaçante !) sur cette bande de gamins simili-vikings et les exactions d'une meute de bestioles assassines... Lisez ! Le plaisir sera au rendez-vous.

En effet, Varulf est un très bon premier tome, qui marie à merveille le scénario fantastique bien dosé de Gwen de Bonneval (assez de révélations pour appâter durablement le lecteur avide de connaître le fin mot de l'histoire, et un timing exemplaire du teasing pour le laisser sur sa faim - joie perverse du scénariste, m'est avis !) et le dessin ouvert et dense de Piette - à base d'aplats et de cernes forts, sans débauche de nuances et effets de réalisme. Les scènes nocturnes, noires et bleues, sont particulièrement attirantes et servent à merveille l'ambiance du récit.  

Si le duo d'artiste semble a priori déroutant, force est de constater qu'il est en réalité plus que bienvenu : la fausse simplicité du graphisme oeuvre intelligemment à maîtriser les effets du scénario, permettant ainsi d'offrir, in fine, une bande dessinée aussi incongrue que parfaitement accessible et "prescriptible".

Une vraie pépite dans le corpus fantastique de la bande dessinée contemporaine (souvent très balisé), et un excellent titre, donc, de la collection Bayou... L'attente va être longue pour le tome 2 !!

Infos

Série : Varulf
Titre du Tome 1 : La meute
Scénario : Gwen de Bonneval, Hugo Piette
Dessin : Hugo Piette
Éditeur : Gallimard (coll. Bayou)
Parution : 10/01/2013
Pages : 96
Prix : 16, 50 €
ISBN : 9782070639830


dimanche 24 février 2013

Hilda et le géant de la nuit / Luke Pearson

Le pitch


Hilda et sa mère vivent paisiblement dans leur modeste chaumière, au creux de calmes vallées… Jusqu’à ce qu’une armée d’elfes aussi minuscules que territorialistes s’emploient à les faire déguerpir, jets de pierres, missives haineuses et dégâts collatéraux à l’appui. Forcée d’entrer en négociation avec les belliqueuses peuplades des provinces elfqiues du Nord, Hilda devra faire preuve de toute son éloquence pour pouvoir rester chez elle... 




Avis



Une belle découverte, et un vrai coup de  coeur pour cette série de pure fantasy, entière, fraîche, drôle et décomplexée, terriblement efficace. Personnages, couleurs, découpage, tout est ici au service d’un récit délicieux, dont se dégage une poésie de l’étrange qui n’est pas sans rappeler les frasques d’un certain Hayao Miyazaki…. 

À lire absolument ! (Dès 7 ans)

Les albums de la série (trois parus actuellement : Hilda et le troll, Hilda et le géant de la nuit, Hilda et la parade des oiseaux) sont maquettés et fabriqués avec grand soin, et de fait plaisants à manipuler, comme le le montre cette image (source : Nobrow http://www.nobrow.net/6799) :



Les couvertures des autres tomes :



Infos

Titre : Hilda et le géant de la nuit
Parution : 01/12/2011
Éditions : Nobrow
ISBN : 978-1-907704-36-9
Prix : 14.80 €
Pages : 48